La Banque africaine de développement (BAD) organise jeudi un forum dans le cadre de l’Assemblée annuelle de l’institution à Kigali (Rwanda). Plusieurs chefs d’Etats et de gouvernements sont attendus à cette rencontre qui coïncide avec la célébration du cinquantenaire de la banque.
Placé sous le thème « Les 50 prochaines années : l’Afrique que nous voulons », le forum de jeudi constitue une occasion pour les décideurs africains de choisir pour la première fois, leur modèle de développement, a déclaré Kako Nubukpo, le ministre auprès de la présidence de la République du Togo, chargé de la Prospective et de l’Evaluation des politiques publiques.
Ces Assemblées de Kigali sont celles du jubilé. Au-delà de la symbolique que peut-on en attendre ?
Kako Nubukpo : Le thème majeur est : « Les 50 prochaines années : l’Afrique que nous voulons ». Vous comprendrez aisément que pour le ministre chargé de la Prospective, ce thème m’intéresse particulièrement !
Le choix de ce thème traduit la volonté des chefs d’Etat et des institutions comme la BAD, l’Union africaine et la CEA, de mettre au cœur de leur mandat respectif, la réflexion prospective, qui devrait déboucher sur la définition d’une vision à long terme pour le développement du continent. Ceci est inédit car, c’est la première fois depuis 30 ans, en particulier depuis le début des programmes d’ajustement structurel (PAS), qu’il est demandé à l’Afrique d’imaginer son propre modèle de développement. On peut dire qu’on arrive à la fin du Consensus de Washington.
Plus important encore, c’est l’Afrique elle-même qui choisit de questionner les paradigmes qui fondent son développement et ceci est salutaire.
Le Togo lui-même a entrepris de définir une vision à long terme afin de baliser l’avenir
Kako Nubukpo : Effectivement le même exercice se fait chez nous. Est-ce-à-dire que le temps de la prospective est venu ? S’agit-il d’une nouvelle mode ?
Non, je ne pense pas. Je crois au contraire qu’il y a une convergence des aspirations au Togo et en Afrique. Nous ne pouvons plus continuer à être victimes de la dictature de l’urgence, du règne de l’improvisation et du +courtermisme+. Il convient de se rendre compte du fait qu’une grande partie des chocs que vivent les Etats africains provient de l’absence de réponse structurelle aux défis du développement. Et c’est justement la démarche prospective qui nous permet de concevoir ces réponses structurelles.
N’oublions pas que la prospective est la démarche qui vise à se préparer aujourd’hui pour demain. Elle consiste à élaborer des scénarii possibles sur la base de la crédibilité scientifique, de la participation citoyenne et de la viabilité politique. Elle s’appuie sur des analyses rétrospectives, notamment les études d’impact, elle synthétise les tendances, anticipe les ruptures, et construit des visions dans un souci d’aide à la décision stratégique. Elle acquiert ainsi une double fonction de réductrice des incertitudes face à l’avenir et de priorisation ou légitimation des actions.
Que peut apporter l’initiative ‘Vision Togo 2030’ initiée par le chef de l’Etat et le gouvernement togolais dans le cadre des Assemblées annuelles de la BAD ?
Kako Nubukpo : Le président Faure Gnassingbé participera le 22 mai à Kigali à une session intitulée : ‘Votre point de vue compte : Dialogue avec les dirigeants’. Ce sera l’occasion pour lui d’expliquer les enjeux et les défis du Togo.
En effet, le philosophe Sénèque a écrit dans les Lettres à Lucilius, Livre 8, Lettre 71: « il n’est pas de vent favorable à celui qui ne connaît pas son port ». Tout le monde convient à l’heure actuelle qu’on ne peut développer une économie et une société sans une réflexion et une vision prospectives.
La décision du président togolais de créer un ministère de la Prospective procède de sa volonté de doter le pays d’une capacité d’anticipation qui lui permette d’identifier et de saisir les opportunités à venir, en même temps que de minimiser les risques potentiels auxquels le Togo pourrait être exposé.
Outre son rôle dans l’exploration des futurs possibles, le Chef de l’Etat souhaite que la réflexion serve à faire émerger une vision de l’avenir qui soit très largement partagée.
C’est sur cet arrière-plan conceptuel que la réflexion entamée sous le nom de ‘Vision Togo 2030’ vise un double objectif : produire et/ou valoriser les connaissances sur le passé, le présent et le futur du pays ; permettre un pilotage stratégique de la transformation qui sera jugée nécessaire et souhaitable.
Comme vous pouvez le constater, le thème des Assemblées de la BAD est en parfaite cohérence avec ce qui se passe au Togo, et on ne peut que s’en réjouir.