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Chirac, cet « ami » des dirigeants africains excepté Gbagbo

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Il a appris à aimer l’Afrique, ses hommes et ses cultures. C’est l’une des rasions qui justifie son surnom « Chirac l’Africain ». Il est le seul chef d’Etat français à s’être rendu dans près de 40 pays sur le continent. En dehors d’Omar Bongo, Jacques Chirac avait de nombreux amis proches avec lesquels il entretenait des rapports très personnels : Blaise Compaoré du Burkina Faso, Gnassingbé Eyadéma du Togo, Denis Sassou Nguesso du Congo ou encore le Sénégalais Abdou Diouf et le Camerounais Paul Biya…Bref, tous des dirigeants du pré carré francophone. Mais, était-il l’ami de (tous) les présidents africains ?

Selon Christophe Boisbouvier, journaliste spécialiste de l’Afrique, pour Chirac, l’« amitié » était une valeur ajoutée en politique.

« Quand un président africain montrait de bonnes dispositions envers la France, il essayait de s’en faire un ami . Et plus ce chef d’État avait de l’influence, plus Chirac cultivait sa relation avec lui. D’où les grandes amitiés Chirac-Houphouët et Chirac-Bongo », explique ce dernier dans un long entretien sur RFI.

L’ancien président français se disait aussi le « grand ami » du Togolais Gnassingbé Eyadema et du Congolais Denis Sassou Nguesso. Avec l’ancien président sénégalais Abdou Diouf, la relation « amicale » a continué après le départ de Chirac de l’Élysée.

Mais, qu’est ce qui explique ses rapports difficiles avec l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo ?

Les explications avec Christophe Boisbouvier dans l’encadré ci-dessous:

Pour Chirac, un « bon » président africain était un président « ami » de la France. Et comme Houphouët était le meilleur « ami » de la France en Afrique, tout opposant à Houphouët était suspect. Or qui était, du temps de Houphouët, l’opposant ivoirien le plus déterminé et le plus endurant ? Gbagbo. Lors des nombreux tête-à-tête Houphouët-Chirac entre 1980 et 1993, on devine donc que Gbagbo n’a pas été à la fête. Et ce jour de février 1990 où Chirac déclare au micro du correspondant de RFI à Abidjan : « Le multipartisme est une sorte de luxe que les pays en voie de développement n’ont pas les moyens de s’offrir », il sort d’un long entretien avec Houphouët et vise en premier lieu le Front populaire ivoirien (FPI) de Gbagbo, qui conteste au Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) de Houphouët son statut de parti unique. Aux yeux de Chirac, Gbagbo avait deux fois tort. L’Ivoirien était non seulement l’« ennemi de son ami » (Houphouët jusqu’à son décès, en 1993, puis Bédié à partir de cette date), mais aussi l’« ami de son ennemi » (Jospin à partir de 1997). En effet, au début de la cohabitation Chirac-Jospin (1997-2002), les socialistes français – notamment le Premier ministre Lionel Jospin et le premier secrétaire du PS François Hollande – se sont appuyés sur l’opposant ivoirien Laurent Gbagbo pour essayer de casser le monopole du RPR de Jacques Chirac sur les réseaux franco-ivoiriens. Et logiquement, lors du putsch militaire de Noël 1999, quand Chirac a voulu envoyer des soldats français à la rescousse de Bédié, Jospin s’y est opposé et a multiplié les gestes politiques pour aider Gbagbo à prendre le pouvoir, dix mois plus tard. Comme le résume l’essayiste Antoine Glaser, à partir d’octobre 2000, « Chirac a toujours considéré Gbagbo comme l’enfant illégitime de la cohabitation, une parenthèse qui ne durerait pas. »

Jacques Chirac a-t-il aidé, via le Burkinabè Blaise Compaoré, les partisans nordistes de l’opposant ivoirien Alassane Ouattara à se soulever en septembre 2002 ? Rien ne le prouve. Ce qui est sûr, c’est que, malgré l’appel au secours de Gbagbo, Chirac n’a répondu que par une demi-mesure. Au grand dam du président ivoirien qui brandissait l’accord de défense franco-ivoirien signé en 1961, il n’a pas donné l’ordre aux troupes françaises de reconquérir la zone rebelle, au nord de la Côte d’Ivoire. Puis, en janvier 2003, par l’accord de Marcoussis, il a tenté, en vain, d’imposer à Gbagbo un partage du pouvoir à Abidjan. Il faut voir les photos de Chirac et Gbagbo côte à côte, au lendemain de l’accord de Marcoussis. Visiblement, les deux hommes se détestent et sont en guerre quasi ouverte. Répression féroce d’une manifestation de l’opposition à Abidjan – au moins 120 morts selon l’ONU – le 25 mars 2004 ; enlèvement et disparition du journaliste français Guy-André Kieffer le 16 avril 2004… À cette époque, le régime de Laurent Gbagbo se durcit et multiplie les exactions. Le 6 novembre 2004, lors d’une tentative de reconquête du nord du pays, l’aviation ivoirienne tue neuf soldats français à Bouaké, dans le centre. Qui est à l’origine de la frappe ivoirienne contre les militaires français?  Depuis quinze ans, plusieurs hypothèses circulent, mettant en cause soit le pouvoir ivoirien, soit le pouvoir français l’époque. Quoi qu’il en soit, après la destruction en représailles de la flotte ivoirienne par la France, une chasse aux « Blancs» est lancée et une fusillade éclate dans Abidjan entre soldats français et manifestants ivoiriens. Bilan : plusieurs dizaines d’Ivoiriens tués et plus de 8 000 Français évacués à la hâte. C’est à ce moment-là que les échanges verbaux entre Chirac et Gbagbo sont les plus violents. Chirac : « Nous ne voulons pas laisser se développer [à Abidjan] un système pouvant conduire à l’anarchie ou à un régime de nature fasciste. » Gbagbo : « Le président Chirac a soutenu le parti unique en Côte d’Ivoire pendant 40 ans. Qu’est ce qui est plus proche du parti unique que le fascisme » La relation Gbagbo-Chirac, c’est un peu l’histoire d’un Africain qui tient tête à un Français très paternaliste, mais qui, ensuite, dérape et offre à son adversaire l’occasion de l’affaiblir. En mai 2007, quand Jacques Chirac quitte le pouvoir, Laurent Gbagbo y est toujours et semble sortir vainqueur de ce bras de fer. En réalité, quatre ans plus tard, en avril 2011, c’est le couple Ouattara-Sarkozy qui aura le dernier mot.




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