Les cinq femmes métisses ont été victimes de l’enlèvement et de la ségrégation des très jeunes enfants métis au Congo. Elles demandent que la justice condamne l’État belge pour avoir organisé ce système violent de discrimination raciale aux lourdes conséquences sur leur vie.
Le procès, en appel, s’est tenu lundi et mardi. L’État belge est accusé pour sa politique raciale menée alors qu’il avait la tutelle sur le Congo entre 1908 et 1960. Les accusations sont portées par cinq femmes qui ont été victimes de l’enlèvement et de la ségrégation des très jeunes enfants métis au Congo. Selon l’accusation, l’Etat belge doit être condamné pour avoir organisé ce système violent de discrimination raciale aux lourdes conséquences sur leur vie. Les dames réclament des dommages et intérêts pour l’important préjudice causé lorsqu’elles ont été enlevées et ségréguées. Elles sollicitent aussi la production d’archives concernant leurs origines et leur histoire.
L’affaire avait été portées en justice en 2021, devant le tribunal civil de Bruxelles avait rejeté la demande des cinq requérantes, défendues par Me Michèle Hirsch, Me Christophe Marchand et Me Nicolas Angelet entre autres. Celles-ci ont ensuite interjeté appel.
Nées de l’union d’un Belge et d’une Congolaise, durant la période où le Congo était colonie belge, elles ont été arrachées à leur foyer pour être placées de force dans des orphelinats, comme la plupart des très jeunes enfants métis. Pour l’Etat colonisateur, il fallait cacher ces enfants, les empêcher de nuire, de se révolter contre le système colonial, où les Noirs n’avaient pas les mêmes droits que les Blancs. On estime que 20.000 enfants métis ont subi le même sort que les plaignantes.
Selon des documents officiels issus des archives coloniales, dévoilés par les avocats des plaignantes, des rapts d’enfants métis ont été organisés par des officiers de l’État belge et mis en œuvre avec le concours de l’Église. Les fonctionnaires de l’État colonisateur recevaient des instructions pour organiser les enlèvements des enfants issus d’une union mixte, en contraignant les mères à se séparer d’eux. Les enfants étaient placés dans des missions catholiques qui se trouvaient sur le territoire du Congo belge, mais aussi au Rwanda, loin de chez eux.
Dès leur plus jeune âge – de quelques mois à cinq ans – les métis ont ainsi été arrachés à leur mère et à leur village natal par le recours à la force, aux menaces ou à des manœuvres trompeuses alors que ces enfants n’étaient ni abandonnés ni délaissés, ni orphelins ni trouvés.
Le tribunal de première instance a rejeté la requête estimant que « si les faits pouvaient être qualifiés de crime contre l’humanité aujourd’hui, ce n’était pas le cas à l’époque ». La défense soutient au contraire qu’au regard du droit international, il s’agissait déjà, alors, d’un crime contre l’humanité, parce que les faits (qui se sont déroulés entre 1948 et 1961) sont postérieurs au jugement du procès de Nuremberg, qui consacre pour la première fois le crime contre l’humanité. Elle met en avant qu’en 1948, un des tribunaux de Nuremberg a estimé que des faits commis par l’Allemagne, qui enlevait des enfants germano-polonais pour les faire adopter par des familles allemandes (et les nazifier), étaient constitutifs de crime contre l’humanité.
Essama Aloubou