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Gernot Rohr : « Le football manque à beaucoup de gens »

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En famille dans sa résidence française, Gernot Rohr, le coach du Nigeria, veille toujours sur le nid des Super Eagles. Si le football reste sa grande passion, le technicien franco-allemand garde l’esprit ouvert. Celui qui est également passé par le Gabon, le Niger et le Burkina Faso est très attentif à la situation mondiale.

Comment vivez-vous cette période si particulière ?

Gernot Rohr : Je suis avec ma famille sur le bassin d’Arcachon. Avec le Nigeria, nos matchs du mois de mars (éliminatoires de la CAN 2021) ont été annulés et j’ai pu rentrer en France, à Lège Cap-Ferret, où je tiens également un hôtel qui est actuellement fermé. Ca se passe assez bien. C’est un coin plutôt tranquille durant l’hiver, même si quelques parisiens sont descendus pour se confiner. J’ai la chance d’avoir un petit jardin pour jouer avec les enfants, il faut également assurer l’école à la maison le matin. Cela se passe bien, il faut positiver dans une telle situation. On prend également des nouvelles du Nigeria. Actuellement, j’étudie une proposition de prolongation de contrat donc mes journées sont assez remplies.

Comment travailler en plein confinement quand on est sélectionneur ? Parvenez-vous à rester en contact avec votre staff et vos joueurs ?

On arrive à communiquer assez bien. Téléphone, mails, vidéo-conférences. La technologie moderne me permet de parler avec mes assistants. L’un est en France, l’autre en Angleterre et le troisième vit en Allemagne. Mais on a déjà l’habitude de travailler à distance. On reste en contact avec les joueurs également. Il y a ceux qui ont repris l’entraînement comme en Allemagne alors qu’en Angleterre ou en France tout est arrêté. Certains étaient déjà au Nigeria, d’autres ont rejoint leur famille à Londres. En Allemagne, un de nos gars a été mis en quarantaine quinze jours car un de ses coéquipiers en club avait été infecté. Il a aussi fallu gérer des cas particulièrement difficiles : deux joueurs bloqués, un en Turquie et un autre en Arabie Saoudite. Ils ont finalement pu retrouver le Nigeria alors qu’ils tournaient en rond, seuls chez eux depuis plusieurs semaines. Chacun a eu ses soucis, mais aujourd’hui pratiquement tout le monde est en famille.

Comment votre rôle a-t-il évolué avec cette crise sanitaire ? Essayez-vous de protéger encore davantage vos joueurs ?

Au Nigeria, nous fonctionnons comme une famille ! On s’appelle, on se parle, on prend des nouvelles. Certains garçons n’ont toujours pas retrouvé leurs proches et c’est difficile pour eux. Qu’ils soient en France, en Belgique, en Turquie ou bien en Russie, certains de nos joueurs peuvent être touchés par la situation et peuvent avoir besoin d’un contact régulier. Ils bénéficient également d’un programme à suivre pour s’entraîner à domicile. Tout est relativement bien en place pour qu’ils puissent garder le moral et conserver leur condition physique.

Quelle est la place du football dans cette crise ?

Le ballon est toujours au centre de notre vie : on joue avec les enfants, on regarde des matchs de la CAN qui repassent à la télévision, on étudie le profil de joueurs qui pourraient rejoindre les Super Eagles. C’est toujours là, mais on relativise. Ce n’est pas le plus important dans la vie. Mais le football manque à beaucoup de gens, on s’en aperçoit en discutant avec des supporters ou des amis. C’est un phénomène social. La reprise des matchs peut accompagner le retour à une vie normale, ça va permettre à certaines personnes d’oublier leur soucis.

John Obi Mikel, l’ancien capitaine emblématique des Super Eagles, a refusé de jouer puis a rompu avec son club, Trabzonspor. Il protestait contre la poursuite du championnat turc. Qu’avez-vous pensé de son geste ?

C’est un geste noble, il a eu raison de le faire même s’il se retrouve sans club aujourd’hui. On ne peut pas menacer la santé des joueurs. De nombreuses personnes ont soutenu Obi Mikel, et pas seulement en Afrique. Il a pu compter sur la solidarité de la famille du football, c’est très important.

Et de votre côté, vous avez décidé de renoncer à une partie de votre salaire.

Oui et c’est normal. L’économie du football est à l’arrêt, le marché souffre. Les recettes et les sponsors manquent donc il est normal que les joueurs et les entraîneurs fassent aussi des efforts.

Vous êtes né en Allemagne, vous vivez en France, votre femme est malgache et vous entraînez au Nigeria après avoir travaillé dans d’autres pays africains. Avec un tel parcours de vie, quel regard portez-vous sur cette crise mondiale ?

Les informations viennent de partout. Grâce aux joueurs, qui évoluent dans différents pays et sur différents continents, mais aussi grâce à la famille. Nous avons des nouvelles de Madagascar, de la Réunion, d’Allemagne. On essaye d’avoir une perception globale. Le football n’est pas tout, il y a des choses plus importantes comme la famille, la santé, le bonheur. Mais le ballon rond a un grand rôle à jouer. Dans ma vie, dans celle de mes joueurs qui ont fait de leur passion un métier, et dans celle de nombreuses personnes. Le football reviendra, petit à petit. Il faudra bien protéger tout le monde. C’est le sport numéro un. Il permet à certains de se défouler au stade plutôt que de faire des bêtises. J’espère que ça reprendra bientôt. 

Source : RFI




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