Les procureurs des chambres judiciaires antiterroristes du Mali, du Niger et du Burkina Faso ont annoncé mercredi dernier l’ouverture d’enquêtes contre le journaliste et chercheur français Wassim Nasr, l’accusant d’« apologie du terrorisme » et de « complicité » dans des actes terroristes présumés. Cette action coordonnée s’inscrit dans une série de mesures prises contre les médias occidentaux dans la région.
Wassim Nasr, qui collabore avec la chaîne française France 24, est notamment visé pour ses analyses concernant une attaque djihadiste meurtrière survenue à Bamako, capitale du Mali, le 17 septembre.
Les procureurs l’accusent d’avoir communiqué avec les assaillants et d’avoir fourni en temps réel des informations sur leur position, leurs objectifs et les victimes de l’attaque. Nasr est également accusé d’avoir tenu des propos qui, selon Manzo Hadiza, procureur adjoint du Niger, « constituent des actes flagrants de soutien aux terroristes ».
En réponse, Nasr a dénoncé ces accusations dans un message adressé à l’Associated Press, qualifiant l’initiative d’« intimidation » et d’« attaque contre le journalisme ». Il a fermement rejeté les accusations, affirmant que ces gouvernements tentent de faire taire toute voix qui remet en question leur discours sécuritaire.
Le Sahel, où se situent le Mali, le Niger et le Burkina Faso, est une zone où les journalistes locaux font face à des dangers croissants, notamment des risques liés aux conflits armés et au terrorisme. Les trois pays sont confrontés depuis plus d’une décennie à des insurrections menées par des groupes djihadistes affiliés à Al-Qaïda et à l’État islamique.
Depuis les récents coups d’État militaires, la situation sécuritaire dans la région s’est encore dégradée, les attaques terroristes s’intensifiant malgré le départ des forces françaises et l’arrivée d’instructeurs russes. Selon le projet de données ACLED, plus de 3 000 civils ont été tués lors des six premiers mois de l’année, soit une augmentation de 25 % par rapport à la période précédente.
Les autorités des trois pays sahéliens ont également renforcé la répression contre les voix dissidentes et les médias. Cette année, le Mali a interdit aux journalistes de couvrir les activités des partis politiques, et le Burkina Faso a suspendu la BBC et Voice of America pour leur couverture des violences commises par l’armée burkinabè. Le Niger a fermé la Maison de la presse après ses critiques contre les violations de la liberté de la presse.
France 24, employeur de Wassim Nasr, est également suspendue dans les trois pays en raison de sa couverture des questions sécuritaires, accentuant la pression sur les journalistes œuvrant dans cette région instable.