BizME.fr Freelances, plus forts ensemble.
Accueil / Politique / Polémique sur le franc CFA: le togolais Gerry Taama étale son analyse

Polémique sur le franc CFA: le togolais Gerry Taama étale son analyse

Partagez ceci :

Le franc CFA est responsable de la pauvreté qui s’explique par l’immigration en Afrique, c’est bien l’avis de l’Italie et bien d’autres acteurs économiques africains. Le sujet fait d’ailleurs objet de discorde entre l’Italie et la France actuellement. Entre autres observateurs qui se sont prononcés sur le sujet dont le professeur Kako Nubukpo, l’homme politique et président du NET, Gerry Taama fait sa lecture de la situation.

Lisez plutôt !

Le francs Cfa, parlons-en

C’était déjà un sujet nourrissant des fantasmes auprès des jeunes africains des pays de la zone franc, mais depuis que des politiciens italiens ont directement indexé la France comme étant responsable de la pauvreté en Afrique et de l’immigration, on assiste à une sorte d’hystérie collective. Des fronts contre le francs Cfa poussent partout.

Comme vous le savez, je suis un homme politique qui considère que nous devons en permanence faire preuve de pédagogie. Donc je vais rassembler ici des informations et mes observations pour permettre à chacun de se faire une idée, parce que c’est à ça aussi que devrait servir les hommes politiques.

Alors, le franc cfa, c’est quoi ?

Le franc CFA, originellement franc de la Communauté financière africaine est le nom de deux monnaies communes héritées de la colonisation et utilisées par plusieurs pays d’Afrique constituant en partie la zone franc à savoir:

– Le franc de la communauté financière en Afrique (ISO 4217 : XOF et 952), émis par la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest pour les huit États membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (à savoir : le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo) et 
– le franc de la coopération financière en Afrique centrale (ISO 4217 : XAF et 950), émis par Banque des États de l’Afrique centrale pour les six États membres de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (à savoir : le Cameroun, le Congo, le Gabon, la Guinée équatoriale, la République centrafricaine et le Tchad).

La question à se poser est de savoir si le franc cfa est responsable de la pauvreté en Afrique.

Voilà quelques éléments de réponse.

Il faut d’abord savoir que la zone franc en Afrique ne couvre que 14 États sur 55, et que ces 14 États ne représentent que 14 % de la population africaine, pour 12% du pib. Ces politiciens italiens sont donc dans le simple populisme quand ils confondent volontairement 14 % de la population africaine à toute la population africaine.
Et quand ils lient l’immigration au francs Cfa, c’est aussi un abus de langage puisque sur les 7 pays qui envoient le plus d’immigrés en Europe (Nigéria, Guinée, Mali, Soudan, Sénégal, Érythrée et Gambie) deux seulement ont le franc cfa comme monnaie.

L’argument le plus fort utilisé par les détracteurs du francs Cfa concerne les 50% des réserves de nos banques centrales déposées dans la banque de France, qui permet de garantir la convertibilité et l’arrimmage de notre monnaie à l’euro. Il faut d’abord relativiser. Selon Fanny Pigeaud, l’une des plus grandes détractrices du franc cfa, en 2017 le montant des réserves déposées par les deux banques centrales africaines à la banque de France faisait 6,7 milliards d’euros, alors qu’au même moment les réserves propres de la banque de France étaient de 151 milliards, soit à peine 4,43 %, ce qui paraît très insignifiant.

Ce que vous devez savoir est que le pib des 55 pays africains (l’Afrique du Sud, le Nigéria et l’Égypte y compris) faisait en 2013 environ 2513 milliards de dollars américains. Soit le pib de pays comme la France ou le Brésil. Ça fait réfléchir. Donc le pib des pays de la zone franc ne représente que 12% de celui français. Même si tout le monde s’accorde à dire que le pib des pays africains est sous évalué, il n’en reste pas moins que ces chiffres font froid dans le dos.

Pour revenir à ce dépôt de 50%de nos réserves dans les banque de France, la question à se poser est de savoir si cela pénalise les pays africains. La réponse est mitigée suivant des pays. Des pays comme la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Cameroun, le Gabon et la Guinée Équatoriale semblent mieux s’en sortir, parce que ayant diversifié leur produit d’exportation et ayant pu s’appuyer sur la stabilité de la monnaie pour contrôler l’inflation dans leur pays. Sur les dix pays ayant la meilleure croissance économique au monde en 2018, six sont en Afrique et deux sont de la zone franc, et sur les dix meilleures économies africaines en terme de croissance la même année, 4 sont de la zone francs, soit 40% contre 25% de représentativité sur le continent.

Même en prenant un autre indicatif comme le pib/hbt, c’est même un pays de la zone franc qui vient en tête, et les autres pays de la zone sont diversement classés.

A essayer de prendre un indicateur plus subtil comme l’idh, les données sont souvent trop controversées. Le Gabon est présenté comme un pays à idh élevé, et celui du Congo devance celui de Ghana. Voilà pourquoi nous parlons d’un classement controversé.

Alors, que retenir ? Le franc cfa est il bon ou mauvais pour nos économies africaines ? La réponse pour moi est que l’impact du franc Cfa sur la vitalité des économies africaines est négligeable. D’abord parce que seulement 14 États sur 55 utilisent cette monnaie en Afrique et plus de 40% des 10 pays qui enregistrent les meilleures performances économiques en Afrique sont de la zone cfa, justement parce la performance d’une économie ne repose pas uniquement sur la monnaie. Les réserves de change africains dans la banque de France en 2017 ne représentaient que 4,5 des réserves propres de la France, dont le pib correspond à celui de toute l’Afrique. La parité et la convertibilité induisent une garantie équivalente à 50% de nos réserves bloquées dans la banque centrale française. C’est le prix à payer pour contrôler l’inflation et assurer une stabilité d’une monnaie qui est certes surévalué, mais dont profite des pays comme la cote d’Ivoire et le Sénégal pour s’assurer des taux de croissance record. En réalité c’est comme quand vous allez faire un crédit dans une microfinance et ils vous demandent de déposer 30% du montant du prêt. C’est une garantie supplémentaire. C’est à prendre ou à laisser.

Des pays ont fait le choix de refuser. La Guinée, la Mauritanie et le Madagascar. Ils ne figurent nulle part en haut des classement de pays dont l’économie est émergente.

Justement parce que le vrai problème est ailleurs. Le Ghana n’est pas le pays avec le plus grand taux de croissance parce qu’ils frappe sa monnaie mais du fait de politiques économiques et structurelles bien pensées et d’une bataille contre la corruption plus aboutie. La côte d’Ivoire a bondit économiquement après la guerre parce qu’il y a aux manettes un fin économiste qui a su faire les bons investissements. Aujourd’hui des pays comme la rdc et le Zimbabwe frappent leur monnaies, mais c’est le dollar qui finit par s’imposer dans ces pays parce que sans aucune maîtrise, la valeur de la monnaie s’effondre assez vite, et il faut une brouette de billets de banque pour acheter un pain.

Voilà. J’espère avoir suffisamment expliqué pour que chacun se fasse sa propre idée. Les problèmes sont ailleurs. D’ailleurs, tant que nous n’aurons pas le courage de contrôler notre croissance démographique, toutes ces croissances économiques ne mettront pas un terme à la pauvreté.

Et moi donc. Quel est mon avis ? Sortir du francs Cfa ? Oui. Avoir une monnaie communautaire, qui pourra même s’appeler francs Cfa, cauris, lougbiri, ega, lidiyé (peu importe) , non arrimée à l’euro qui fait de notre monnaie une valeur sur évaluée et donc nocive pour les pays peu développés comme les nôtres. Mais de grâce, faites ceci une fois que vous vous serez garantis une diversité de vos produits d’exportation, à commencer par des produits transformés, une maîtrise de l’inflation et une vraie lutte contre la corruption, contrairement à la pagaille qu’on assiste dans nos pays. Si nous n’êtes pas encore prêts pour ça, pardon, gardez le franc cfa et les vaches seront bien gardées.

Gerry Taama




Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Traduction »