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Simon Njami: « Afriques Capitales est une ville, un labyrinthe, un foutoir »

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simonC’est l’artiste parmi les curateurs. Simon Njami, 55 ans, né à Lausanne de parents camerounais, commissaire d’expositions mythiques comme « Africa remix », cofondateur de la Revue Noire, du Festival Ethnicolor et directeur artistique de la Biennale de Dakar, mais aussi écrivain et essayiste, ne construit pas de simples expositions, mais un autre monde possible. Il rêve de nous faire respirer et penser le futur. Doté de son esprit vif et sa voix posée, ses lunettes de soleil et son écharpe autour du cou, il nous parle d’ « Afriques Capitales » à La Villette, à Paris.

RFI : Afriques Capitales, c’est votre idée. Que faut-il pour être une capitale ?

Simon Njami : Ce qu’il faut pour être une capitale, c’est d’avoir plein de restaurants et de saveurs de pays différents. Ce qu’il faut pour être une capitale, c’est aussi rassembler une population totalement mélangée.

Pour cela vous ne parlez pas d’une exposition, mais d’une cité, d’une ville, d’un labyrinthe, d’un foutoir installé dans la Grande Halle de La Villette ?

Oui, c’est une ville, un labyrinthe, c’est aussi un foutoir, parce que nous vivons des périodes où les gens tentent à territorialiser le monde en disant : « tu as le droit d’aller là, mais pas là. Là, c’est chez moi, là, ce n’est pas chez toi. » Ce que j’aime dans la métaphore de la ville, c’est que la ville appartient à tout le monde. Dès que vous allez quelque part où il n’y a pas le monde, vous savez qu’il peut y avoir des problèmes par rapport aux identités, aux nationalismes, etc. Et j’ai horreur des nationalismes. Les espaces les plus intéressants sont les espaces de brassages, de rencontres et de collisions.

L’installation de l’artiste franco-ivoirien François-Xavier Gbré est intitulée Je suis africain. Qui fait de l’art africain aujourd’hui ?

François-Xavier Gbré présente une œuvre où il dit : « Je suis africain », mais c’est écrit en chinois. C’est un commentaire sur l’emprise de plus en plus grande de la Chine sur l’Afrique en termes économiques. Je crois que personne ne fait d’art africain. Seuls les critiques font de l’art africain. Les artistes font de l’art. Ils viennent de Chine, de Kampala, de Nairobi, ils font d’abord de l’art. Qualifier les gens par rapport à une géographie est encore une fois les « essentialiser », de leur enlever une part d’eux-mêmes.

Moi, je suis un Africain, mais quel type d’Africain suis-je ? Je suis né à Lausanne, j’ai fait mes études à la Sorbonne à Paris, etc. Dire que je suis un « Sorbonnard » m’enlèverait une part de moi-même. Dire que je suis un Camerounais m’enlèverait aussi une part de moi-même. Donc la meilleure façon de me décrire est que je suis un curateur qui écrit… et de voir ensuite plus loin : d’où viennent mes inspirations ? En m’enfermant d’emblée, on va vouloir trouver des choses qui me renvoient à ce qu’on veut que je sois. Donc les critiques et les commentateurs font de l’art africain. Ce sont les seuls.

Depuis votre exposition Africa Remix en 2005, qu’est-ce qui a changé pour les « Afriques Capitales » ?

Les Africains s’organisent de plus en plus. C’est ça qui a changé. Il y a beaucoup de centres d’art, beaucoup de festivals et de biennales se sont créés depuis. Les Africains entendent porter un regard beaucoup plus grand sur eux-mêmes. Ils ont compris, en se livrant aux journalistes et spécialistes qui vont vouloir absolument les mettre dans une boite, ils vont se condamner. Alors il faut qu’ils fabriquent eux-mêmes leur propre discours. Donc il y a un discours intéressant en train de se fabriquer. À l’époque de Africa Remix, il n’y avait pas un jeune curateur issu du continent. Aujourd’hui, il y en a quatre, cinq, six qui font des expositions un peu partout. Tout cela change le paradigme.

Dans Afriques Capitales, vous montrez Débris de justice, Dakar, d’Antoine Tempé, un photographe d’origine française et de nationalité américaine basé depuis 2011 à Dakar, au Sénégal, à côté des corps en noir et blanc de femmes nues de Safaa Mazirh, photographe marocaine née en 1989.

Ils ne sont pas l’un à côté de l’autre. Antoine [Tempé] est dans l’ouvert, c’est un travail d’archives, un clin d’œil personnel entre lui et moi et d’autres. Parce que j’ai rouvert l’ancien palais de la Justice de Dakar pour y faire la dernière Biennale. Quand je l’ai ouvert, c’était hallucinant. Antoine était là et a pris des photos de ce qu’était le palais avant de devenir un espace d’exposition. Donc le travail d’Antoine est sur la mémoire, la transformation et la potentialité des choses. Ensuite, [à Afriques Capitales] vous vous promenez dans une ville et avec le travail de Safaa Mazirh vous entrez tout d’un coup dans un hammam, un hammam exclusivement féminin. L’avantage de ma ville est que les hommes peuvent pénétrer dans un hammam pour femmes, alors que dans la vie réelle, c’est impossible.

Source:www.rfi.fr




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