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Visé par un mandat d’arrêt de la CPI, que risque Benjamin Netanyahu ?

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Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu et son ancien ministre de la Défense Yoav Gallant sont visés par un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI). Ils sont notamment soupçonnés de « crimes de guerre » et de « crimes contre l’humanité » pour leurs actions dans la bande de Gaza.

En théorie, explique François Dubuisson, professeur de droit international à l’université libre de Bruxelles, la CPI compte sur la police de ses 123 pays membres pour les arrêter.

L’État israélien, lui, ne reconnaît pas l’autorité de la juridiction internationale.

Quelles sont les implications de cet mandat d’arrêt ?

Plus de détails dans cet entretien exclusif de RFI avec François Dubuisson :

RFI : Que signifie « être visé par un mandat d’arrêt émis par la Cour pénale internationale » ? 

François Dubuisson : Être visé par un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) signifie qu’un État membre du Statut de Rome, donc un pays signataire de ce traité, a l’obligation d’arrêter la personne visée par ce mandat et de la remettre à la Cour pour un futur jugement. Concrètement, pour des personnalités comme Benyamin Netanyahu et Yoav Gallant, ça restreint leur liberté de déplacement. Si ces dirigeants se rendent dans un État membre de la CPI, comme la France, ils risquent d’être arrêtés et extradés. Bien sûr, il y a des questions juridiques complexes à traiter, notamment pour Netanyahu, qui bénéficie d’une immunité en tant que Premier ministre. Mais en principe, un mandat d’arrêt implique une obligation d’arrestation et de remise à la CPI. 

Est-ce qu’il est déjà arrivé que des chefs d’État soient arrêtés dans ce cadre, en raison d’un mandat d’arrêt de la CPI ? 

À ma connaissance, non. Même si ce n’est pas la première fois qu’un chef d’État fait l’objet d’un mandat d’arrêt. Le cas d’Omar el-Béchir, l’ancien président du Soudan, est un exemple. Bien qu’il ait été déchu de son pouvoir, il reste emprisonné au Soudan et n’a pas été remis à la Cour malgré sa mise en accusation. Cela dit, un mandat d’arrêt international peut restreindre la mobilité de ces dirigeants. Par exemple, Vladimir Poutine, sous mandat d’arrêt de la CPI, a récemment voyagé en Mongolie, mais ce pays a choisi de ne pas l’arrêter, ce qui a suscité des critiques. Pour les Européens alliés d’Israël, ça serait plus délicat aujourd’hui d’accueillir de nouveau Netanyahu.  

Un État membre de la CPI qui accueillerait Benyamin Netanyahu aujourd’hui, risquerait-il ? 

Il y a des procédures pour non-coopération. Un État pourrait être condamné, même si cela reste généralement une condamnation de principe. Par exemple, la Jordanie a été condamnée après avoir accueilli Omar el-Béchir, mais elle n’a pas été forcée de livrer le président soudanais. Un chef d’État, de manière générale, bénéficie d’une d’immunité auprès des autres États. Sauf lorsqu’il s’agit d’être jugé devant une Cour internationale, comme c’est le cas ici. Tout ça en principe.  

Vous parlez beaucoup de principes… 

C’est vrai. À ce stade, l’émission de ces mandats d’arrêt reste principalement symbolique. Mais c’est un symbole fort, car les crimes pour lesquels ces mandats ont été délivrés sont extrêmement graves, notamment des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, comme la persécution et l’extermination. Le fait que deux dirigeants israéliens soient visés par de telles accusations ne peut pas passer inaperçu, notamment au sein des États européens.

Ces pays, qui sont souvent alliés d’Israël, tentent d’atténuer la portée des accusations, mais il devient de plus en plus difficile de les ignorer. Un mandat d’arrêt international visant un Premier ministre israélien porte un message politique important. 

Est-ce que cela pourrait avoir des conséquences militaires ? Par exemple, les pays européens pourraient-ils continuer de vendre des armes à Israël ? 

Il y a de plus en plus de pressions pour stopper toute vente d’armes à Israël, notamment en raison du risque de génocide à Gaza. Certains États ont déjà suspendu ces ventes, comme les Pays-Bas, qui ont pris des mesures judiciaires nationales pour suspendre les ventes d’armes à Israël. Plus largement, l’ONU a adopté un avis en juillet 2024 indiquant que les États doivent cesser toute aide ou assistance permettant de maintenir l’occupation israélienne.

Cette interdiction concerne non seulement les armes, mais aussi tout soutien susceptible de faciliter l’occupation. Avec l’émission du mandat d’arrêt, la situation devient encore plus délicate. Justifier des livraisons d’armes, même à des fins « défensives », devient difficile tant sur le plan politique que juridique. 

Les États qui continuent de vendre des armes à Israël risquent-ils des procédures judiciaires, comme la complicité de crimes de guerre ? 

Pas nécessairement pour complicité directe. Pour qu’il y ait complicité, il faut savoir précisément comment les armes seront utilisées. Cependant, le droit international impose des obligations de prévention du génocide et de non-assistance à des violations des lois de la guerre. Même sans parler de complicité, le simple fait de contribuer à des violations potentielles peut déjà constituer une violation des obligations internationales. Cela signifie qu’un État qui continue de fournir des armes à Israël pourrait se retrouver en infraction, même si ce n’est pas une complicité directe.




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