Au Mali, une ordonnance publiée au Journal officiel le 30 août et rendue publique le 9 septembre 2024 instaure un nouveau statut pour les magistrats. Ce texte, adopté en Conseil des ministres, attend encore la ratification du Conseil national de transition. Bien que ce statut n’apporte pas de changements majeurs aux droits et obligations des magistrats, il encadre plus strictement leur liberté d’expression, ce qui suscite des inquiétudes dans un contexte de transition où l’indépendance de la justice est déjà mise à rude épreuve.
Le texte de seize pages, composé de plusieurs centaines d’articles, régit les droits, les garanties, ainsi que les modalités de nomination ou de suspension des magistrats.
L’avocat malien Oumar Berté, également chercheur associé à l’Université de Rouen en politique et droit public, souligne certaines modifications, notamment la baisse du niveau requis pour accéder au concours des « auditeurs de justice ». Alors qu’une maîtrise de droit était jusqu’à présent nécessaire, une simple licence suffira désormais.
Parmi les autres changements notables, la section des comptes de la Cour suprême devient une Cour des comptes autonome, en conformité avec les exigences de l’Uemoa. De plus, un statut de « magistrat honoraire » est créé pour les retraités souhaitant continuer à exercer à titre bénévole.
Un contexte d’inquiétude entoure ces réformes. En août 2023, Cheick Mohamed Chérif Koné, ancien Premier avocat à la Cour suprême, avait été radié de la magistrature après avoir dénoncé ce qu’il considérait comme une manipulation de la justice par les autorités de transition.
Ces critiques, exprimées dans le cadre de ses responsabilités syndicales, l’ont conduit à l’exil, où il revendique aujourd’hui un rôle d’opposant.
L’une des nouvelles dispositions du texte retient particulièrement l’attention. Bien que les magistrats jouissent des mêmes libertés publiques que tout citoyen, y compris la liberté syndicale et d’expression, ils doivent les exercer « dans le respect de l’autorité de l’État » et « de l’ordre public ».
Oumar Berté exprime des préoccupations sur ces formulations : « Ces conditions sont larges et vagues, ce qui pourrait exposer les magistrats à des sanctions. À quel moment considérera-t-on qu’un magistrat a franchi la ligne et contesté l’autorité de l’État ? Quand sa participation à une association ou un syndicat pourrait-elle être perçue comme un trouble à l’ordre public ? C’est toute la question, et cela risque de peser sur eux ».
Depuis le début de la transition, il y a quatre ans, de nombreuses poursuites ont été engagées contre des personnes critiquant les autorités ou réclamant des élections, souvent pour « opposition à l’autorité légitime » ou « atteinte au crédit de l’État ».