L’arbitraire s’est-il installé au Bénin ? En tout cas, c’est ce que pense l’ancien Premier ministre Lionel Zinsou, condamné vendredi 2 août à six mois de prison avec sursis et 5 ans d’inéligibilité pour « faux » et « dépassement de fonds de campagne électorale ». Alors que ses avocats ont annoncé leur intention de faire appel, l’opposition accuse le président Patrice Talon d’instrumentaliser la justice pour écarter ses adversaires politiques.
Farouche opposant de Patrice Talon et arrivé deuxième à l’élection présidentielle de 2016, Lionel Zinsou est accusé d’avoir masqué ses dépassements de compte de la campagne électorale de en utilisant de « fausses attestations ou un certificat falsifié », note une source judiciaire.
Il écope en outre d’une amende de 50 millions de franc CFA, la plus forte prévue pour cette fraude.
« Cela fait 55 ans que je pratique le droit, et je n’ai jamais vu ça », a réagi Me Robert Dossou, avocat de Lionel Zinsou, quelques minutes après l’annonce de la condamnation.
« Il n’y avait aucun élément constitutif de preuve dans ce dossier. Lorsque l’on condamne quelqu’un pour ‘faux’, la moindre des choses est de produire un document supposément ‘faux’. Or, cela n’a pas été le cas ici », a dénoncé l’avocat, interrogé par Jeune Afrique.
Battu en 2016 au second tour de la présidentielle, Lionel Zinsou continue d’incarner un espoir de changement au Bénin.
Un espoir qui pourrait bien voler en éclats dans la mesure où si la peine est confirmée dans deux semaines ou en appel, Lionel Zinsou sera, de fait, exclu des municipales en 2020 et surtout de la présidentielle en 2021.
Tournant autoritaire de Patrice Talon
Lionel Zinzou n’est d’ailleurs pas le premier opposant politique béninois à être condamné par la justice et contraint de s’exiler, soulignent nos confrères de France 24.
L’opposant Sébastien Ajavon, arrivé troisième à la présidentielle de 2016, avait été condamné à 20 ans de prison dans une sombre affaire de trafic de cocaïne.
Pour Steve Kpoton, « écarter les rivaux politiques est devenu une mode dans la sous-région. Macky Sall a écarté ses principaux opposants au Sénégal pour se faire réélire en février 2019. Et Mahamadou Issoufou a écarté son rival Hama Amadou en 2016 au Niger. Il faudra s’inquiéter pour la démocratie en Afrique francophone ».
« Si vous avez une phobie de la menace que constitue l’opposition, vous procédez systématiquement à des éliminations politiques », a affirmé Lionel Zinsou.