La France a suspendu à titre conservatoire les opérations militaires conjointes avec les forces maliennes, a-t-on appris jeudi 3 juin auprès du ministère français des Armées, précisant que cette décision était liée à la transition politique en cours au Mali et qu’elle serait réévaluée dans les prochains jours.
« Des exigences et des lignes rouges ont été posées » par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et l’Union africaine pour « clarifier le cadre de la transition politique au Mali », a dit le ministère. « Il revient aux autorités maliennes d’y répondre rapidement ».
« Dans l’attente de ces garanties, la France (…) a décidé de suspendre, à titre conservatoire et temporaire, les opérations militaires conjointes avec les forces maliennes ainsi que les missions nationales de conseil à leur profit » », a ajouté le ministère. « On va retirer tous nos officiers planification et programmation dans l’état-major des forces armées maliennes ainsi que nos officiers de liaison dans l’armée de terre et la DGSE », ajoute de son côté une source militaire française haut placée.
Paris attend donc des réponses des autorités maliennes aux exigences fixées ces derniers jours par la région et l’Union africaine. L’UA avait appelé lundi les militaires maliens a « urgemment et inconditionnellement retourner dans leurs casernes » et à établir les conditions pour le retour à une transition démocratique « sans entrave, transparente et rapide ». La Cédéao avait de son côté réclamé la nomination immédiate d’un Premier ministre issu de la société civile.
Le ministère français des Armées a précisé que « ces décisions seront réévaluées dans les jours à venir au regard des réponses qui seront fournies par les autorités maliennes ».
La question d’une transition « inclusive et républicaine »
En prenant ces mesures, la France veut clairement exiger une transition inclusive qui doit s’achever dans neuf mois. Le caractère républicain de l’État est une autre exigence de la France qui affirme qu’elle ne restera pas au Mali si l’islamisme prend le dessus sur la démocratie. Plusieurs personnalités civiles et militaires interrogées à Bamako par notre correspondant Serge Daniel ne cachent pas que tout sera fait pour respecter les engagements afin que les mesures de suspension soient levées.
Ces mesures ont été annoncées à la hiérarchie militaire « dès mercredi dans la nuit », reconnaît un officier en poste au ministère de la Défense, qui insiste sur l’annonce d’une « décision inattendue ». « On ne s’attendait pas à ça. Sur le terrain, la France est notre alliée contre le terrorisme. Or sans la logistique, le renseignement, la lutte reste inefficace », analyse de son côté un autre officier, affecté sur le terrain, dans le centre du Mali.
Dans l’entourage immédiat du président de la transition, le colonel Assimi Goïta, on veut plutôt éviter tous commentaires, comme si dans les coulisses, le contact est maintenu avec Paris pour que tout redevienne comme avant. C’est probablement le sens qu’il faut donner à la déclaration d’un civil membre du cabinet du président : « Le Mali va continuer à travailler à la réussite d’une transition inclusive et républicaine ».
Sans gouvernement depuis la semaine dernière à cause du coup de force, il n’y a pas de ministre pour s’exprimer sur la décision de Paris. De hauts fonctionnaires de certains départements espèrent qu’entre Paris et Bamako, il s’agit d’un orage d’été. Côté classe politique, là aussi pas de réaction officielle pour le moment. Mais deux interlocuteurs interrogés séparément appellent le Mali à avoir ses propres moyens de défense pour assurer sa sécurité.
Cette annonce de Paris intervient après qu’Emmanuel Macron a déclaré dans un entretien au Journal du Dimanche que la question d’un retrait de l’armée française au Mali se posait après le nouveau putsch militaire survenu à Bamako en mai. Le chef de l’État a souligné par ailleurs en début de semaine que l’armée française ne pouvait combattre à elle seule le terrorisme au Sahel et que sa présence sur le terrain nécessitait le renforcement d’institutions stables et légitimes.
Le président et le Premier ministre intérimaires du Mali ont démissionné la semaine dernière, deux jours après leur arrestation par l’armée malienne successive à un remaniement ministériel, amplifiant la crise politique dans le pays.
Avec RFI