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Tribune : ces conditions indispensables au bonheur des Togolais…

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Fidèles à leur mission de veille citoyenne, Maryse Quashie et Roger Folikoue, deux universitaires togolais et acteurs de la société civile, prennent la parole pour dénoncer la paupérisation grandissante d’une partie de la population. Classé dans la catégorie des Pays Pauvres Très Endettés (PPTE), le Togo ne doit pas s’en glorifier. Au contraire, les autorités du pays devraient s’investir à hisser le pays le top 50 des pays dont les habitants sont les plus heureux. Lecture !

Les autorités togolaises se sont réjouies d’avoir réussi à faire entrer notre pays dans la catégorie des Pays Pauvres Très Endettés (PPTE)… Bien que ce soit pour bénéficier des fonds attachés à ce statut, les citoyens togolais n’étaient pas très fiers de cette étiquette accolée à notre pays, après celle des Pays les Moins Avancés (PMA). Féliciterions-nous quelqu’un d’avoir enfin gagné de haute lutte le droit d’être admis parmi les assistés ? Nous serions en fête avec lui plutôt parce qu’il serait sorti du statut d’assisté pour endosser les habits de la personne qui peut subvenir à ses besoins par ses moyens…


Mais voilà depuis plus de 50 ans nous essayons de sortir du sous-développement pour atteindre le développement, qu’il soit humain ou durable, sans que les indices de ce statut enviable soient visibles à l’horizon. Au contraire, nous sommes toujours en voie de développement même si nous tentons d’émerger !


Alors si on changeait de perspective ? On voit de plus en plus apparaitre des classements sur une échelle que le libéralisme avec ses PIB et PNB, n’admettait guère avant parce qu’il n’était pas traduisible en données chiffrées : le bonheur ! Notons d’abord que  ce sont les pays africains surtout,  qui font mentir un indice comme le PIB : comment concilier le PIB du Gabon ou du Congo Brazzaville, avec la misère d’une grande partie des Gabonais ou des Congolais? Et pourquoi se réjouir des taux de croissance du Togo, quand ses habitants s’enfoncent jour après jour dans la pauvreté ? Le PND n’y changera rien, ce n’est d’ailleurs qu’un mythe,  une vaine propagande après les SCAPE et DSRP.


Comment calculer alors le bonheur attendu par les citoyens ?  Les promoteurs de l’indice du bonheur ont d’abord donné la réponse suivante à la question de savoir ce qu’est un pays heureux ; c’est  un pays :
où on vit en paix et en sécurité,
où on vit en liberté et en démocratie, et où les droits de l’homme sont respectés,
qui connait une qualité de vie importante,
où la recherche, la formation, l’information, la communication et la culture  sont partagées par tous.  


A partir de cette réponse, dix indicateurs ont été choisis et le classement se fait chaque année. En 2019, notre pays le Togo était classé 139ème pays parmi les 156 de la liste. Décidément quel que soit l’indice nous sommes au bas du tableau !!!


Mais la vraie question est celle-ci : pour nous-mêmes les Togolais, que serait le bonheur ?
Il nous semble indispensable de citer ici le début de la déclaration finale du Forum Citoyen, organisé en mars 2019, par Espérance pour le Togo, regroupement d’organisations de la société civile togolaise :


« Si le Togo était classé dans le top 50 des pays dont les habitants sont les plus heureux,


ce serait parce que toutes les Togolaises et tous les Togolais, jeunes et moins jeunes, de toutes les religions, issus de toutes les régions du pays, vivant sur le territoire national ou hors du pays, provenant de diverses couches sociales et ayant fait divers choix politiques ainsi que socio-économiques, se déclarent heureux ;


ce bonheur signifierait, entre autres réalités, que les richesses du pays seraient partagées le plus équitablement possible, que des mécanismes de solidarité corrigeraient éventuellement les insuffisances de ce partage, que l’accès à la santé et à l’éducation serait facilité pour le plus grand nombre des citoyens ; que l’emploi des jeunes serait une réalité pour la plupart ;


ce bonheur correspondrait à un état de la société où tous seraient également reconnus dans leur dignité d’homme libre, où chacun verrait ses droits et libertés individuelles protégés par la loi et les institutions de la République ; bref un état de la société où le vivre-ensemble porterait les valeurs inscrites dans notre hymne national; et surtout ce bonheur serait le résultat d’une volonté commune à tous les habitants du Togo. »


Nous ne pouvons pas tout reprendre ici mais juste  la dernière phrase. En effet, on ne peut pas décider de l’état de bonheur d’une personne en dehors d’elle-même. Pour être heureux, chaque individu doit désirer être heureux et surtout se donner sa définition,  issue  des valeurs qui charpentent sa vie. Voilà pourquoi, personne ne peut décréter que notre bonheur doit découler de quelques kilomètres de voies bitumées dans la ville de Lomé (d’ailleurs les voies dans les quartiers où nous habitons sont inondées en cas de pluies, défoncées, pleines de crevasses et de nids de poules) ou d’un nouvel aéroport inondé récemment. Non le citoyen togolais veut  définir lui-même son bonheur, car il sait lui-même ce dont il a besoin. Il sait aussi ce qu’il ne veut pas et  ce qu’il veut vouloir dire publiquement lors des manifestations qu’on lui interdit…


Cependant, concrètement, comment savoir comment les Togolais définissent le bonheur ? On pourrait faire des sondages, organiser des débats publics, poser la question sur les réseaux sociaux… On pourrait aussi poser la question à des spécialistes de Sciences humaines, Anthropologues et Philosophes, Sociologues et Psychologues, ce serait une approche intéressante. Mais tout cela ne suffirait pas  pour que l’on ait une image valable pour le plus grand nombre. Que faire alors ?
En fait, à bien y réfléchir, les élections vraies, crédibles et transparentes constituent la meilleure manière de savoir comment des citoyens voient leur bonheur. En effet, en principe les candidats doivent présenter ce qu’ils proposent à travers leurs programmes, projets de société et autres. Et,  pour le citoyen, choisir un candidat, c’est dire qu’on adhère à sa définition du bonheur.


Cependant, il faut quand même des conditions pour que les élections aboutissent à cela ; il faut, en effet :
que les candidats puissent s’exprimer grâce à la liberté d’expression et à l’égalité de traitement face aux médias ;
que les candidats acceptent de se dévoiler quelque peu en évitant la langue de bois et les promesses fallacieuses ;
que les candidats choisis soient en vérité ceux qui sont déclarés vainqueur !


Et puis la garantie du bonheur, c’est qu’on peut changer de proposition après quelques années… A condition que la même proposition ne s’impose pas pendant des décennies !
Franchement ne croyez-vous pas que le début du bonheur pour les Togolais serait de voir les conditions réunies pour vivre ce schéma ? Alors cela ne vaut-il pas la peine de tout mettre en œuvre pour y arriver ?  Est-on prêt alors à se battre pour mettre fin aux parodies d’élections pour de vraies qui redonnent espoir aux Africains ? 




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