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Bruno LE Maire : « C’est aux États-Unis de faire le premier pas »

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Entre alliés, amis et partenaires historiques, nous devrions parler avec franchise. Et c’est ce que j’ai fait la semaine dernière à Whistler, au Canada, lors de la réunion des ministres des Finances et des banquiers centraux des sept puissances économiques qui composent le G7.

C’est avec franchise que j’ai exprimé ma déception et mes inquiétudes suite à la décision de nos alliés américains d’augmenter les tarifs sur l’acier et l’aluminium.

D’abord, pour des raisons juridiques. Les autorités américaines se cachent derrière des arguments fallacieux quand elles disent que c’est pour des raisons de sécurité nationale qu’elles veulent protéger leur industrie de l’acier et de l’aluminium. Une telle démarche est totalement injustifiée et surtout contraire à toutes les règles internationales, contraire à toutes les normes du commerce mondial et contraire à l’ordre multilatéral que nous, USA et France, avons contribué à créer après la Seconde Guerre mondiale. Cette décision injuste et injustifiée constitue également un précédent dommageable. Il est plus difficile d’encourager les pays qui sont encore loin de respecter ces règles à le faire. Comment pouvons-nous dire à la Chine de respecter les règles multilatérales, si les États-Unis, notre partenaire depuis des décennies, les contestent?

Deuxièmement, pour des raisons économiques. En introduisant ces nouveaux tarifs, les États-Unis nous exposent au risque d’une guerre commerciale dont personne ne bénéficierait. Nous le savons tous: tout le monde perd à la fin dans les guerres commerciales. Une telle escalade de la tension constitue également une menace pour la reprise économique en Europe. Plus insidieusement, il alimente le populisme à un moment où l’Europe est secouée par les manifestations. Ces partis prospèrent dans de tels conflits. Il ne fait aucun doute qu’ils bénéficieront de moins de croissance et moins d’emplois. Cette tentative des États-Unis d’affaiblir l’Europe est un argument de plus en faveur des populistes.

Et enfin, pour des raisons politiques. Depuis la fondation de la nation américaine, la France a côtoyé les États-Unis. Comme le président français l’a rappelé lors de son récent voyage à Washington, nous avons été des alliés actifs et forts dans notre action commune contre le terrorisme, au Sahel ou au Proche-Orient, ou pour empêcher l’utilisation d’armes chimiques contre les civils en Syrie. Nous avons maintenu nos dépenses de défense et même décidé de l’augmenter pour atteindre 2% de notre PIB.

Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons ni comprendre ni accepter les récentes décisions des États-Unis. Comment peut-on expliquer que les plus proches alliés de l’Amérique sont traités exactement comme la Chine – quand on sait que les surcapacités de l’acier et de l’aluminium sont principalement dues aux subventions de l’Etat et que l’Europe n’en est nullement responsable?

Cependant, nous devons trouver un moyen de sortir de la situation actuelle. Et nous partageons l’analyse américaine sur plusieurs points. Comme nos alliés, nous pensons qu’il est nécessaire d’améliorer le système commercial mondial et de le rendre à la fois plus fort et plus efficace. Comme nos alliés, nous pensons que les droits de propriété intellectuelle sont insuffisamment protégés. Comme nos alliés, nous savons que les marchés publics ne sont pas aussi ouverts et accessibles dans certains pays qu’en Europe. Comme nos alliés, nous pensons qu’il est essentiel de revoir le cadre des subventions publiques qui crée aujourd’hui des distorsions commerciales injustes. Comme nos alliés, nous voulons reconstruire l’Organisation mondiale du commerce.

 Mais nous sommes profondément en désaccord sur la façon de répondre à ces défis. L’unilatéralisme ne mènera nulle part mais au conflit.

Face à de telles attaques, l’UE a démontré son unité et sa capacité à répondre avec force et raison. Nous sommes prêts à prendre les mesures nécessaires: une plainte auprès de l’OMC et des contre-mesures et clauses de sauvegarde appropriées. Nous ne voulons pas que la situation dégénère en une guerre commerciale à grande échelle et impitoyable, mais des actions hostiles ne peuvent être laissées sans réponse. L’UE est maintenant déterminée à affirmer sa souveraineté économique.

Si les États-Unis veulent relancer les discussions avec leurs alliés historiques, c’est à eux de faire le premier pas. Ils devraient montrer leur volonté de coopérer par des signes évidents de désescalade. Quant à la France et à l’UE, nous continuerons toujours à agir de manière constructive pour améliorer le système multilatéral. La semaine dernière à l’OCDE, le président français a invité les grandes nations commerçantes à travailler ensemble sur une réforme ambitieuse des règles commerciales multilatérales. Seul un système multilatéral fort et modernisé peut faire face aux importants déséquilibres et injustices qui existent aujourd’hui dans le commerce mondial.

Bruno Le Maire

Ministre de l’Économie et des Finances

https://www.linkedin.com/in/brunolemaire/




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