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Les polars dans l’air du temps

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Sous l’apartheid, le roman policier était une espèce rare. Les policiers, il est vrai, défendaient à l’époque une cause absurde.

Autant le paisible Botswana permet de savourer les enquêtes de Mma Ramotswe, détective numéro 1, imaginées par l’Ecossais Alexander McCall-Smith, autant les romans sud-africains ruissellent de sang et de tripes.

Les travaux de la Commission Vérité et Réconciliation ont révélé l’étendue des crimes. Dès lors la traque des tortionnaires et des soldats fourvoyés était lancée. Le maître en la matière s’appelle Deon Meyer. Personnalité joviale, Afrikaner, ancien journaliste et travailleur acharné, il a eu l’excellente idée de créer une équipe de héros récurrents, chacun prenant la vedette à son tour. Son succès tient à son art du suspense et à une solide documentation. « On trouve tout chez Deon Meyer, sauf des gros mots », analyse Catherine du Toit, professeur à l’université de Stellenbosch. Comme indiqué dans le billet n° 17, Meyer se tourne à présent vers le roman d’anticipation et le cinéma.

Dans son sillage se sont engouffrés nombre d’écrivains. Blancs et souvent journalistes, eux aussi. Ils trouvent ainsi une façon de critiquer les dérives de la société sud-africaine sans s’en prendre directement au parti de Mandela. Mike Nicol, connu pour ses romans sombres (La loi du capitaine, Le temps du prophète) est représentatif de ce changement de main. « Le polar est devenu un genre, au même titre que la science-fiction », affirme l’éditrice Bridget Impey qui a ouvert une collection à cet effet chez Jacana, intitulée Blackbird Books.

L’immense majorité des polars se passe dans la région du Cap. A cause de ses paysages spectaculaires ? A cause de la criminalité qui a dépassé celle de Johannesburg, en raison des gangs qui infestent les Cape Flats ? Plus prosaïquement, cela tient au fait que beaucoup d’auteurs habitent dans le coin.

Karin Brynard est une exception, qui a choisi les espaces vides du Karoo (Les milices du Kalahari, 2016) et le thème peu porteur du massacre des fermiers blancs. Cette quinquagénaire afrikaner, presque austère, s’est fait remarquer au festival de Franshhoek 2016 en parlant de sexe, de double orgasme précisément.

Margie Orford, qualifiée de reine du roman policier par un magazine de luxe, est traduite elle aussi en français (Les captives de l’aube 2008, Roses de sang 2009, Daddy’s girl 2010, tous trois parus chez Payot). A ma connaissance son Gallow’s Hill ne l’est pas. Serait-ce l’abus de phrases trop courtes, de héros trop vite esquissés ?

Roger Smith est aussi accessible au public francophone. Dans Le sable était brûlant (2013), il ne lésine pas sur l’hémoglobine : au moins une vingtaine de morts, sans compter les animaux sacrifiés. Toutes les turpitudes de l’Afrique du Sud contemporaine défilent : politicien véreux ressemblant à Zuma, caïd sanguinaire, ancien séide de l’apartheid appartenant à la CIA, jeune fiancée destinée à débarrasser du sida un flic enrichi. Il ne craint pas les clichés modernes : un enterrement zoulou, un guérisseur traditionnel, une doctoresse au grand cœur. Son Mélanges de sang (2011) était du même tabac, centré cette fois-là autour des gangs qui mettent en coupe réglée certains quartiers au sud du Cap.

Louis-Ferdinand Despreez est un des rares auteurs à situer ses actions – très cruelles- dans le nord, à Soweto (La mémoire courte) ou à Pretoria (Le Noir qui marchait tout seul). Le double prénom de son pseudonyme indique son ambition. Il revendique une origine sud-africaine. On peut en douter, puisqu’il écrit directement en français et affiche une grande maitrise de l’argot contemporain.

Avec Les enfants du Cap (2016), Michèle Rowe a monté une subtile intrigue croisée. Elle brosse une série de portraits variés, rendant compte de la complexité du peuplement de l’Afrique du Sud. Son inspectrice métisse, Persephone Jonas, combat un collègue ripou et machiste. Son chef lui colle entre les pattes une vieille psychologue blanche, très directive. Emule d’Agatha Christie, Rowe a choisi le coupable le plus improbable. Dommage que le glossaire de la version française soit incomplet.

Source:rfi.fr




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