S’il l’avait emporté haut la main en 2017 avec plus de 61% des voix, George Weah dispute ce mardi au second tour de la présidentielle un match retour serré contre le même adversaire qu’il y a six ans. Lui et Joseph Boakai ont quasiment fait match nul au premier tour en octobre avec respectivement 43,83 et 43,44% des suffrages.
Âgé de 57 ans, l’ex-buteur vedette du Paris SG, de Monaco et de l’AC Milan, seul Ballon d’Or africain à ce jour (remporté en 1995), avait pourtant mené campagne tambour battant pour « une victoire au premier tour ».
Mais celui dont la victoire en 2017 avait suscité d’immenses espoirs dans un des pays les moins développés au monde doit cette fois défendre un bilan contrasté.
« Pendant notre premier mandat, nous avons posé les fondations de la paix, de la liberté d’expression, de la stabilité macro-économique et de la restauration de la confiance dans le système éducatif national. Je peux garantir que les années 2024 et au-delà seront meilleures pour tous les Libériens », déclarait-il lors de son meeting d’ouverture de campagne face à ses partisans vêtus de rouge, blanc et bleu, les couleurs de la Coalition pour le changement démocratique (CDC), son parti.
A Clara Town, où il est né, les jeunes continuent d’aduler le gamin des bidonvilles devenu star planétaire, puis chef d’Etat. « Je suis 100% derrière George Weah. Pour moi c’est un modèle et un homme de paix », estime Marcally J. Mulbah, assis avec sa bande de copains sur une moto.
« Quand il a inauguré le nouveau complexe sportif dans le quartier, il a joué avec nous. Il est resté abordable », abonde Godgift Pewee, étudiant de 22 ans qui porte des bracelets de la CDC.
« Le président Weah est le dirigeant libérien le plus accessible de l’histoire. Il se sent à l’aise avec tout le monde. Même lorsqu’il était footballeur professionnel, il rentrait quatre fois par an chez lui », raconte Janga Kowo, un de ses amis de longue date. C’est aussi un homme tolérant qui n’a jamais mis personne en prison pour des raisons politiques, ajoute-t-il.
A quelques rues de là, dans une ruelle jonchée de déchets plastiques, Saturday Gbalah, 42 ans, dit au contraire d’une voix éraillée que le président a perdu « son lien » avec le peuple.
« J’adorais George Weah. Quand il s’est présenté la première fois à la présidence en 2005 contre Ellen Johnson Sirleaf (première femme élue cheffe d’Etat en Afrique, NDLR), j’étais blessé mais je suis allé en béquilles voter pour lui. Idem en 2014 quand il est devenu sénateur pour la première fois », se rappelle-t-il.
« Depuis son accession au pouvoir, nos conditions de vie ont empiré », assure cet homme de 42 ans qui souffre de la hausse du prix du riz et des produits de première nécessité.
Issu de l’ethnie kru, une des principales du pays, élevé par sa grand-mère à Gibraltar, un bidonville de Monrovia, George Weah avait promis « une gouvernance publique en faveur des plus pauvres », de créer des emplois et d’investir dans l’éducation. Ce qu’il n’a pas fait, reprochent ses détracteurs.
Fin 2022, il a été attaqué pour son absence prolongée en dehors du pays, une quarantaine de jours passés de conférences en sommets, mais aussi à la Coupe du monde de foot au Qatar où son fils Timothy défendait les couleurs des Etats-Unis.
La persistance ou la propagation de la corruption, qu’il s’était engagé à combattre, est un autre grief qui lui est fait. Le pays est classé 142e place sur 180 dans le classement de l’ONG anti-corruption Transparency international pour 2022.
« Il y a une grande différence entre son discours et son action » sur le sujet, estime Ibrahim Nyei, directeur de l’institut Ducor pour la recherche sociale et économique.
Largement absent pendant la guerre civile, il n’a jamais créé le tribunal pour crimes de guerre réclamé de longue date par la communauté internationale et des militants locaux.
Malgré une loi signée en juillet 2023, ses opposants l’accusent aussi de ne pas avoir pris les mesures pour entraver le trafic de drogue, qui fait des ravages parmi la jeunesse désœuvrée.
George Weah répond qu’il a construit plus de routes et d’hôpitaux que n’importe qui dans l’histoire du pays, payé les frais d’inscription dans les écoles secondaires et créé des centres sportifs pour les jeunes. Il a promis au cours de sa campagne de poursuivre le développement du pays et d’améliorer le sort des plus démunis.
Avec l’AFP