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Togo: les services de renseignement à l’épreuve de la menace terroriste 

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Un poste avancé de l’armée togolaise a subi, dans la nuit du 11 au 12  mai, l’assaut d’une soixantaine d’hommes armés, faisant 8 morts et 13 blessés. Cette attaque confirme que le Togo  n’est pas épargné par l’hydre  terroriste qui déploie depuis  quelques années ses tentacules  sur l’ensemble de la sous-région ouest-africaine.  

Déjà en novembre 2021, l’armée togolaise essuyait pour la première fois une attaque « terroriste », mais sans perte en vies humaines. Cette fois-ci, le bilan est lourd: huit soldats ont été tués et treize blessés dans la nuit de mardi à mercredi.

« Aux environs de 3 heures, un poste avancé du dispositif de l’opération Koundjoaré, situé dans la localité de Kpinkankandi, a fait l’objet d’une violente attaque terroriste menée par un groupe d’individus lourdement armés non encore identifiés. Cette attaque a fait malheureusement huit morts et treize blessés du côté des forces de défense et de sécurité », souligne le gouvernement dans un communiqué lu à la télévision nationale. 

La menace plane depuis

Depuis 2018, la menace terroriste longtemps confinée au Sahel se répand vers les pays côtiers de l’Afrique de l’ouest. Selon l’Institut d’étude de sécurité, ce risque pour le Togo a été confirmé le 15 février 2019 lors d’une attaque contre un poste mobile de douane, dans une province burkinabé, proche  de la région des Savanes. 

Prenant la mesure de la menace, le gouvernement togolais a créé, en mai 2019, le Comité interministériel  de prévention et de lutte  contre l’extrémisme violent  (Ciplev). Mécanisme non-militaire s’inscrivant dans le fil droit des mesures prises par le Togo depuis 2017  pour prévenir l’extrémisme  violent sur son territoire, le Ciplev a pour mission, d’une  part, “d’éradiquer ou de réduire sensiblement la propagation de l’extrémisme violent sur l’ensemble du territoire togolais” et d’autre part, de “renforcer la coopération et la collaboration entre l’administration, les forces de défense et de sécurité et la société civile”.

En septembre 2017, avant la  création du Ciplev, le Togo est devenu, avec le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire  et le Ghana, membre de l’Initiative d’Accra, et participe, dans ce cadre, aux opérations militaires conjointes Koudalgou. Le gouvernement togolais a également lancé, en septembre 2018,  l’opération Koundjoaré dans la région des Savanes. Son objectif est de prévenir l’infiltration de terroristes sur le territoire national et de renforcer le lien entre la population locale et les Fds à travers la conduite d’actions civilo-militaires au profit des communautés.

En février 2021, le président togolais Faure Gnassingbé  s’était personnellement rendu sur le théâtre des opérations pour “remobiliser les  troupes”. Preuve qu’en matière de lutte contre le terrorisme, le Togo ne veut pas  lésiner sur les moyens. Car, si jusqu’en 2016, le Burkina, qui était considéré comme  un rempart contre le terrorisme, est devenu la cible  privilégiée des groupes terroristes, si la Côte d’Ivoire  a été frappée en mars 2017  par une attaque terroriste, c’est dire qu’aucun pays de la  sous-région n’est à l’abri du phénomène.  

« Procéder au réajustement de la diplomatie togolaise »

Dans une réaction suite à la dernière attaque « terroriste », l’ancien ministre de l’Intérieur du Togo, François Akila Esso Boko, a exhorté l’État togolais à « procéder rapidement à un réajustement de notre diplomatie en prenant du recul vis-à-vis des dossiers sous-régionaux qui n’ont pas de plus-value réelle sur notre sécurité« .

Pour lui, la priorité doit être accordée « à la recherche de solution à nos enjeux de politique intérieure avec l’impératif de réconciliation nationale en mobilisant nos ressources pour lutter contre la pauvreté et la vie chère« .

Depuis quelques années, le Togo affiche de bonnes relations avec Israël dont il a d’ailleurs voté en faveur de la reconnaissance de Jérusalem comme capitale en 2017. Un choix dangereux pour un pays qui entretient également de bonnes relations avec des pays du monde arabo-musulman. Or, en dessous du terrorisme en Afrique, il y a la guerre des religions entre l’islam et le christianisme d’une part et les Arabes et les Juifs d’autre part. Ce n’est donc pas étonnant que le rapprochement constant et ostentatoire  entre Lomé et Tel-Aviv soit une source de menace pour le pays.  

Cette deuxième attaque apparaît comme un message envoyé aux autorités togolaises résolument engagées dans la  lutte contre le terrorisme dans le Sahel et en Afrique de l’ouest. La question du terrorisme était d’ailleurs au coeur d’un mini sommet tenu l’année dernière à Lomé  entre Faure Gnassingbé, Roch Marc Christian Kaboré alors président du Burkina Faso, George Weah et le président  turc, Recep Tayyip Erdogan.

Les quatre hommes d’État  avaient exprimé leur vive  préoccupation du fait que l’Afrique de l’ouest demeure particulièrement confrontée à une multitude de défis d’ordre sécuritaire, notamment la montée du radicalisme et de l’extrémisme violent, l’extension des groupes armés sur le continent, toutes les formes de traite des êtres humains, de criminalité trans-frontalière organisée, de prolifération des armes et de petit calibre, entre autres, qui se nourrissent aussi de réalités et considérations sociologiques et économiques locales. Ils avaient, à cet effet, réaffirmé leur détermination à lutter contre le terrorisme sans aucune discrimination entre les organisations terroristes comme Daesh, Feto, Al Qaida ou Boko Haram.  

Les services de renseignement très attendus  

Bien que la menace terroriste qui plane sur le Togo  soit connue depuis longtemps et malgré la mise en  place d’un certain nombre  de mécanismes visant à lutter contre le phénomène, la dernière attaque  “terroriste” doit rappeler  aux premières autorités togolaises la vulnérabilité du pays et la nécessité de renforcer les dispositifs de lutte. 

Depuis juin 2014, le terrorisme islamiste a changé de visage et de forme, avec la naissance de l’État  Islamique. Désormais, Abou  Bakr-al-Baghdadi prône un terrorisme avec des moyens d’action complètement différents de ceux d’Al-Qaida. Plus besoin de planifier et de coordonner toute une  opération pour dérouter un avion et frapper la Wall Street Center. Avec un camion, on peut foncer sur une foule et en écraser le maximum de personnes, un couteau peut servir à égorger sa cible. La pauvreté aidant, les jeunes des pays en voie de développement sont de potentielles proies faciles pour les recruteurs des réseaux terroristes.

Même si l’identité des « terroristes » n’est  pas (encore) connue, le terrorisme doit-il  être considéré dans l’absolu comme un phénomène extérieur au Togo? Pourrait-il y avoir des cellules dormantes dans certains endroits du  pays? “En 2005 et 2017, certains événements sociopolitiques ont laissé voir la  faiblesse de certains secteurs à répondre favorablement aux différents besoins de la population. Certains facteurs socio-économiques, psychologiques notamment  l’isolement, l’exclusion, la colère, les frustrations, les  revendications, l’injustice, le sentiment d’humiliation, le manque d’emploi sont autant de maux qui poussent les jeunes vers la violence extrémiste et la radicalisation”, analyse le juriste togolais Luc Badombéna Bassoliwena dans une tribune publiée dans un journal local. 

Si les jeunes des milieux du sud du pays sont moins favorables à cette tendance d’extrémisme violent, ceux du septentrion sont plus exposés à ce risque”, prévenait-il.  Dans ces conditions, comment pouvoir prévenir et lutter efficacement contre cette guerre asymétrique? Quand on sait que de fortes sommes d’argent sont englouties dans le renseignement au Togo, on peut gager que la principale cible des services secrets togolais reste désormais la menace terroriste.

“Le Togo est  considéré comme l’un des  pays ayant des services de  renseignement les plus puissants avec des budgets colossaux en Afrique, analyse un  sociologue sous le sceau de  l’anonymat. Au lieu d’espionner les opposants, journalistes et activistes des droits de l’homme, les services secrets togolais rendraient un énorme service à la nation  en concentrant cette énergie plutôt sur la lutte contre le  terrorisme qui requiert le recueil et le partage d’informations notamment en ce qui la collaboration entre les Fds et les populations civiles. Les médias et la société civile ont aussi une partition à  jouer dans ce combat« .

L’acte  terroriste est l’aboutissement d’un long processus,  explique, sous anonymat, un officier de police, fin connaisseur de la poudrière  malienne. Les discours de haine et violents, l’endoctrinement idéologique puis la radicalisation sont les éléments sur lesquels il faut agir en amont. Et malheureusement, la faim et la pauvreté sont le carburant du phénomène du terrorisme. La coopération  et la collaboration entre les  forces de défense et de sécurité et les civils devraient permettre de  s’attaquer à la racine du mal. La prévention est la phase la plus importante dans cette  lutte”, suggère-t-il.  

Au lendemain du 11 septembre 2001, George Tenet, directeur de la CIA à l’époque, annonçait au président George  Bush: “cette guerre sera portée par le renseignement, pas par la protection pure de puissance. Le défi ne sera pas de défaire l’ennemi militairement”. Très clairement, plus que la Guerre froide, la lutte contre le terrorisme est une lutte de renseignement. Comment peut-on combattre un ennemi qui est invisible nulle part mais présent partout? C’est la difficile équation que les États doivent résoudre. Car, face au phénomène du  terrorisme, le tout militaire ne marche pas. L’information s’avère l’arme la plus efficace pour couper le mal à la racine. Les armes ne peuvent  intervenir qu’en aval.

Le  renseignement et les dispositifs sécuritaires ne font pas  défaut au Togo. À présent, il faut pouvoir cheminer sur l’étroite ligne de crête entre  les instruments efficaces de lutte antiterroriste et de renseignement d’une part et le  respect des libertés fondamentales d’autre part.  




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