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EXCLU/Fovi Katakou: « au Togo, vivre c’est déjà courir le risque de mourir »

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Fovi Katakou, jeune togolais bien que vivant avec un handicap physique, ne cesse d’épater l’opinion par son engagement pour les droits de l’Homme. Il a accepté répondre à nos questions.

 ATS : Bonjour Fovi Katakou et merci d’accepter répondre à nos questions. Tout d’abord, qui est Fovi Katakou ?

Fovi Katakou, c’est un jeune togolais qui aspire vivre dans la justice, la liberté, la sécurité et la prospérité dans son pays le Togo. Je suis membre du mouvement NUBUEKE Togo. J’écris quotidiennement deux, voire trois articles que je partage sur les réseaux sociaux et sur mon blog, www.jeunessetogolaise.blogspot.com  . Je suis sociologue de formation.

Malgré que vous êtes une personne vivant avec un handicap, vous êtes un activiste convaincu des droits de l’homme et un combattant de la liberté. Dites-nous qu’est ce qui a suscité en vous cet engagement ?

Tout d’abord, je veux vous dire que le handicap est un état d’esprit. Le corps physique n’est qu’une enveloppe. Très tôt dès mon enfance, j’écoutais attentivement mon entourage qui se plaignait de la situation du pays. Au fur et à mesure que les années passent, nous n’avons que les mêmes discours misérabilistes. Et j’ai commencé par me poser des questions sur les différents faits qui amènent les uns et les autres à se plaindre du Togo.

Après mon Baccalauréat, j’ai constaté que nous les jeunes, souffrons de plus en plus. Et grâce à ma formation sociologique, à mes lectures et observations j’arrive à mieux comprendre les causes de nos maux.

L’élément choquant pour moi, c’est que tout est fait sciemment pour que les maux restent tels comme ils sont. Et les acteurs de la pérennisation des maux togolais sont nos dirigeants et les responsables des différentes structures et institutions. J’ai commencé à étudier l’histoire politique du Togo. Ma conclusion est que nous sommes dans une reproduction sociale de la misère pour la conservation du pouvoir d’une famille.

En analysant les actes de Gnassingbé Eyadema et de Gnassingbé Faure, j’estime qu’il est temps que nous nous levons pour mettre fin à ce camp de concentration sociale crée et entretenu au Togo. Mon engagement est un désir naturel de tout individu qui veut ramener sa société sur la voie des principes humains universels. Le leadership actuel qui dirige notre société est suicidaire pour le vivre ensemble.

Je me dis toujours que le hasard n’existe pas. Si nous sommes nées au Togo et que nous avons eu l’opportunité de pouvoir comprendre les actes et les interactions des uns et des autres. Il est de notre devoir de montrer aux uns et aux autres que nous ne sommes pas d’accord avec la logique, la culture et la philosophie de la gestion de notre société. En tant que Togolais, je ne peux être en marge de la lutte de libération du joug de leadership Gnassingbé que mène le peuple togolais. Et en plus je suis membre d’un mouvement citoyen qui veut un Togo égal pour tous. Comme la manifestation est l’un des moyens pacifiques pour se faire entendre. C’est ce qui explique ma présence régulière dans les manifestations du peuple togolais. J’estime que ma présence va donner le courage aux uns et aux autres de la justesse de notre combat.

 Aussi on vous retrouve régulièrement dans les manifestations publiques.  Vous n’avez manifestement pas peur pour votre vie ?

Peur pour ma vie ? La peur est un mécanisme naturel qui nous avertit du danger présent et à venir. Et c’est une chose normale. Quand j’étais malade à l’âge de 5ans, on a dit aux parents de ne pas se gêner pour moi. Et que les handicapés ne dépassent pas 14ans. Après une équipe de médecin m’a examiné et elle a dit que je devrais mourir à 21ans. Mais je suis toujours en vie. Juste pour dire qu’au nom de la justice, la liberté, la sécurité et la prospérité collective ma vie est moins importante.

Au Togo, vivre c’est déjà courir le risque de mourir. Le système éducatif avec son programme primitif, le système sanitaire, la circulation, les aliments et les médicaments que nous prenons sont tous des éléments susceptibles de provoquer la mort. Roulez en moto en ville ou le voyage de Lomé vers l’intérieur du pays présente plus de risques de mourir que de participer aux manifestations citoyennes pour une sécurité « grand S »

Vous êtes également membre actif du mouvement Nubueke. Tout d’abord, parlez-nous brièvement des activités que vous menez au sein de ce mouvement.

Le mouvement Nubueke Togo est un regroupement de togolais du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest et de la diaspora. Pour une citoyenneté active et une société plus démocratique, Nubueke fait :

– Des sensibilisations citoyennes sur les droits et devoirs du citoyen contenu dans la constitution togolaise. Même toilettée, la constitution togolaise donne des marges de manœuvres aux citoyens togolais d’exiger leur droit et de faire leur devoir citoyen. Nous avons fait : des formations aux membres sur la non-violence, des conférences publiques, des travaux de salubrité publique, don du sang, participation à des ateliers de formation organisées par l’ambassade des USA, organisation des tournois de foot suivie de sensibilisation, initiation aux jeunes du mouvement à l’esprit entrepreneurial, des projections de film, des footings citoyens, développement d’un modèle de réseautage économique avec le projet cuniculture urbain où nous allons développer le modèle économie collaborative, des séances de discussion avec des artistes, des tournées à l’intérieur du pays pour des séances de sensibilisation sur la décentralisation et les réformes constitutionnelles et institutionnelles, distribution d’eau lors des manifestations du peuple et soutien aux blesses pendant les répressions policières. Je m’arrête là !

Depuis presque cinq mois, certains de vos membres croupissent en prison mais, au niveau du mouvement, vous réfutez les accusations portées contre ceux-ci. Que se passe-t-il au juste ? Avez–vous espoir qu’il sortiront bientôt ?

C’est vrai que depuis octobre 2017, les membres du mouvement Nubueke sont devenus des éléments à arrêter pour les dirigeants du Togo. C’est ainsi que Messenth Kokodoko, Joseph Eza et Atsou Ayao furent arrêtés. Atsou Ayao a été libéré provisoirement. Mais Bob Atikpo le coordonnateur de Kpalimé a été arrêté aussi. Actuellement ils sont trois en prison.

C’est un acharnement gratuit contre nous. C’est pour nous empêcher de mener nos activités d’éveil de conscience. Nous ne sommes que des défenseurs de droit de l’Homme. Et je crois que le cas de nos camarades sera résolu dans les mesures d’apaisement. Le peuple togolais sait ce que nous faisons pour lui. Et qu’il ne va pas nous abandonner seul dans la main de nos frères et sœurs du « leadership Gnassingbé ». Je crois que très bientôt ils seront libérés. Car ils n’ont pas circulé avec des gourdins cloutés comme les jeunes des supposés groupes d’autodéfense. Mais pourtant ces jeunes qui ont violé les droits humains sont libres.

Vous avez certainement un message aux autorités par rapport à vos amis qui sont toujours en prison.

Je demande aux autorités de libérer : Joseph Eza, Messenth Kokodoko, Bob Atikpo. Ils ne sont que des défenseurs de droit de l’homme. Une justice pour tous est une source de sécurité pour tous.

Revenons à vous-même. Comme nous l’avions dit plus haut, vous êtes en situation de handicap. Mais contrairement à d’autres, vous n’avez pas pris cela comme une fatalité. Et pour survivre, vous as décidé d’entreprendreTout d’abord, comme est née cette idée d’entreprenariat ?

L’être humain est complexe. Certes le handicap vous impose des contraintes physiques. Mais elle permet en même temps d’explorer d’autres potentiels cachés en nous. Je me dis toujours tant que je respire encore, c’est que je peux et j’ai une solution à tout. Il me revient simplement de trouver la solution qui convient.

C’est ainsi qu’après ma licence en Sociologie Politique et Communication, pour ne pas rester à la maison j’ai mis en place un micro-projet urbain d’élevage. Au début, j’ai commencé avec les poules. Mais compte tenu, de mes moyens financiers j’ai pas eu de résultat comme je voulais. Je me suis lancé à lire des documents sur l’entrepreneuriat.

À chaque fois sur les médias et dans des lieux de regroupement de jeunes, c’est l’entrepreneuriat à zéro franc. En analysant les conditions de vie de jeunes et ce discours d’entrepreneuriat à zéro franc, nous nous sommes rendu compte que c’est l’instrumentalisation de jeunes pour les culpabiliser et décharger l’État.   À NUBUEKE, nous nous sommes dit, nous n’allons pas dénoncer pour dénoncer. Nous allons toujours montrer l’alternatif qu’il faut.

Pour déconstruire ce discours d’entrepreneuriat à zéro franc, nous avons pensé à mettre en place un projet pilote du Cuniculture (élevage de lapins) et de l’ajouter le modèle économique collaboratif.

J’ai proposé l’idée de l’élevage de lapins urbain. Ayant de l’espace chez moi, nous avons démarré le projet depuis 2016. Bientôt nous allons lancer la phase de formation et d’encadrement de jeunes en cuniculture.

Vous avez décidé d’élever les lapins. Pourquoi pas un autre animal ?

Le lapin est un animal très prolifique. Chaque mois si tu croises tes lapines tu auras des lapereaux. Une lapine peut te donner aux moins 5 lapereaux. La viande de lapin est diététique. C’est une viande blanche. Elle est bonne pour ceux qui souffre de diabète et de tension. L’élevage de lapins ne nécessite pas beaucoup de travail. Je dis le lapin c’est l’or des pauvres. Et je veux faire connaître la qualité de la viande du lapin au grand public.

Décrivez-nous-en quelques phrases comment se passe l’élevage. Et le projet en général, comment se porte-t-il ?

Nous avions commencé au début avec une lapine, après nous avons ajouté 5 lapines. Chaque jour les lapins mangent au moins deux fois par jour. En fonction de la taille de l’élevage au maximum pour un micro-élevage 1h suffit pour chaque séance. Actuellement nous avons au moins 150 têtes de lapins.

Je peux dire pour l’instant nous nous tenons. Le projet est grand, ici ce n’est que la phase d’expérimentation. Le projet est constitué de : Centre mère – Formation et équipement de kits d’élevage et suivi des jeunes-La commercialisation.

Il parait que vous lisez beaucoup. Est-ce juste une passion ?

Tout d’abord, mes lectures actuelles viennent d’un fait. Après mon Baccalauréat j’avais des difficultés à écrire et à bien parler le français. Et je n’avais pas les mots qu’il faut pour rendre mes idées compréhensives.

Étant animé par l’idée d’échanger la logique, la culture et la philosophie qui favorisent la reproduction sociale de la misère. Mon père m’a demandé de chercher des livres qui répondent à mes convictions et des lires. Je lis pour mieux comprendre les enjeux de notre société et du monde ; puis surtout de voir comment les différents auteurs construisent une idée pour la rendre compréhensible à la masse.

Et à chaque fois, je lis toujours tous les livres des leaders africains, et ceux qui ont combattu pour la justice sociale. Je lis aussi des livres d’histoire.

Pour finir, un message à la jeunesse togolaise…

La force d’un pays, c’est son peuple. Et la force d’un peuple c’est sa jeunesse. À nous jeune togolais de travailler sur nous pour être la force du peuple togolais. Nous avons des lacunes certes. Mais si nous y mettons la volonté avec l’esprit d’ouverture nous allons nous améliorer considérablement. Nous devons mieux faire que nos pères et mères. Et pour réussir nous devons apprendre à travailler et à évoluer en groupe dans la discipline et le respect mutuel. Seul un réseau peut battre un réseau. À nous jeune togolais d’oser inventer l’avenir du Togo.

 




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